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A Bâtons Rompus avec Kaïssa, la diva de la musique Africaine

Par Trésor Yoassi

© Cameroon Traveler Magazine

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Si l’on posait aux nombreux mélomanes qui la suivent tant sur les scènes du monde qu’à travers les multiples réseaux sociaux dont elle est une active adepte, la question à $1000 dollars de savoir qui est Sylvie Doumbè Moulongo, beaucoup se frotteraient le cuir chevelu. En reformulant par contre la question plutôt avec Kaïssa, ce serait une avalanche frénétique de qualificatifs qui tomberait pour désigner celle-là qui fit ses premiers dans la musique il y a plus d’une trentaine d’années. Parce que Kaïssa est à la fois un être humain et un personnage qui ne vous laissera jamais de marbre. Chaleureuse au contact, elle paraîtrait un être timide et réservé. Comme interlocuteur, vous êtes immédiatement surpris par la volubilité et son envie à partager l’immensité de ses idées et de son engagement. Sur la scène, ce qui frappe le spectateur ou le téléspectateur, c’est sa présence. Kaïssa est une de ces artistes qu’on ne peut ignorer. Assister à un de ses concerts, féru de musique ou pas, on est transporté par la majesté de l’artiste. De la tenue scénique aux paroles, des rythmes sonores aux coups de reins à faire damner un saint, Kaïssa est ce genre d’artiste qui ne vous laissera jamais sur votre faim. C’est d’ailleurs assise devant un plat de foufou sauce gombo que l’artiste Kaïssa Doumbè, notre invitée, a bien voulu nous recevoir dans sa résidence New-Yorkaise. C’est avec beaucoup de chaleur et d’enthousiasme qu’elle s’est confiée à Cameroon Traveler Magazine.

Kaissa Signe des autographes après son concert à l'Istitut Français de Yaoundé © Cameroon Traveler Magazine

Kaissa Signe des autographes après son concert à l’Istitut Français de Yaoundé
© Cameroon Traveler Magazine

CTM: Kaïssa Doumbè Moulongo bonjour, nous allons éviter la traditionnelle question des présentations et commençons notre entretien avec la question de Dieu et de la Foi qui est récurrente dans votre pensée. Sont-ce des idées qui ont forgé votre caractère et influencé votre vision du monde?
Kaïssa: Absolument! C’est une foi qui a grandi car il y a toujours eu des doutes même par rapport à l’existence. La bonté divine, l’amour de cet être suprême est un sentiment qui me fait un bien profond et qui ma foi, a certainement contribué à forger la personne que je suis aujourd’hui, une être persistant et croyant. Je l’embrasse beaucoup plus aisément aujourd’hui après une longue période d’hésitation et de questionnement. C’est ma vision à moi, je ne cherche pas à changer les âmes, je ne partage que mon expérience personnelle….

CTM: Peut-on dire que cette foi vous a certainement permis d’approcher différemment la douleur au vu des multiples tragédies qui vous ont frappée et surtout de grandir dans le choix de votre destinée d’artiste?
K: les pertes des êtres chers ont été des moments de déchirure intenses, car on perd une partie de soi-même. C’est une brûlure qui même avec la foi, ne cesse jamais. Par contre la foi m’a permis d’approcher l’idée de la mort de façon différente. Elle m’a aussi permis de continuer à croire, malgré les échecs et autres coups durs, de persévérer dans les rêves qui étaient les miens, par exemple pendant la confection de mon tout 1er album. Dans ma musique j’essaie de convenir un message positif car tout ne peut pas être réduit au secouement d’un «Alea So». Je partage mes challenges et j’imagine qu’à travers mes expériences, d’autres personnes s’y retrouvent aussi.

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CTM: Vos fans sur scène ou sur différents réseaux sociaux remarquent que l’image que vous projetez (costumes, posters, etc.) reste fort ancrée dans le terroir africain. Qu’est-ce qui motive ce choix et participez-vous à la création de vos tenues?
K: Ma motivation c’est l’amour tout simple de ce qui est africain. Nous avons un patrimoine qui est immensément riche et j’ai eu la chance de naître dans une famille très artistique. Ma mère était couturière fort connue au Cameroun et dont l’un de ses regrets fut qu’aucune de ses filles n’ait suivi ses pas dans la couture. Je sais faire des ourlets mais ma foi, je ne saurai prétendre avoir le talent d’une couturière. J’ai un frère peintre, une soeur qui était danseuse mais oui, je participe à la conception et aux dessins de mes tenues. J’aime les beaux tissus, les beaux arts en général. Autant je voudrai offrir d’excellentes sonorités, autant le visuel est tout aussi important d’où le plaisir que je prends à bien m’habiller; tout ceci fait partie du spectacle. L’Afrique regorge d’un patrimoine culturel immense qui ne demande qu’à être partagé avec le monde. Je suis évidemment amoureuse et très fière de notre art. Si je ne le portais pas, qui d’autre raconterait mon histoire africaine?

CTM: Votre musique est un mélange harmonieux de différents genres. Comment définissez-vous votre style musical?
K: Bien, je ne le définis pas et ce n’est pas de la mauvaise foi parce que j’ai grandi en écoutant Salif Keita, Miriam Makeba, Eboa Lotin par exemple. J’ai certainement un style et un timbre musical reconnaissables aujourd’hui mais en ce qui concerne mes influences musicales, elles sont multiples et incluent des idées politiques comme celles d’un Sankara ou d’un Cheikh Anta Diop qui m’ont vraiment marquée. Je pense que c’est se limiter de vouloir définir un genre musical. Dans mon premier album, vous avez un peu de Mangabeu et du Bolobo, comment puis-je définir un tel style? De l’Afro Beat, Afro World ou de l’Afro Groove? Tout ceci limite l’art et je préfère la liberté. C’est pareil avec les personnes qui m’ont influencée où on ne retrouve pas que des artistes. Les membres de ma famille ont été mes premiers fans et conseillers mais un nom que je ne tairai jamais, c’est celui de Miriam Makeba en tant que femme d’abord avec son histoire personnelle, ses combats, son courage, ses tragédies. Je lui ai trouvé une force et un courage sans pareils avec son engagement total contre une système odieux et violent, à une époque où beaucoup savaient choisi de se taire ou pire, de collaborer, de soutenir la politique en vogue de l’époque. On m’a demandé quelques fois pourquoi je chantais contre les mutilations génitales féminines sous prétexte que c’était une folie non-commercialisable, que cela ne passerait pas sur les antennes. Mais comment passer sous silence, les blessures physiques et mentales, les traumas de toutes ces personnes? Voilà par exemple des gens qui me motivent ou m’influencent. Faire le show, mettre de l’ambiance c’est beau mais j’aime aussi parler de sujets qui me tiennent à coeur.

© Cameroon Traveler Magazine

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CTM: Justement nous avons remarqué votre association à certaines causes qui font de Kaїssa une artiste engagée. Parlez-nous en un petit peu.
K: Je fais partie d’une association qui sensibilise le monde sur le problème des mutilations génitales des jeunes filles et des femmes (WHOA! Protect Girls From Genital Mutilation). Je ne pense pas que tous les aspects des traditions soient positifs; l’être humain peut utiliser ces dernières pour justifier ou commettre des atrocités. Depuis 2005, je suis membre du Advisory Council de Action Against Hunger (Action contre la Faim) qui est une organisation honnête qui se bat contre la famine dans le monde depuis près de cinquante ans. Savez-vous que près de 35% de ce qui est produit dans le monde moderne comme nourriture est jeté alors que même chez eux, il y a des personnes qui meurent de faim? En chiffres, cela fait près de deux milliards de tonnes de produits consommables non avariés. Regardez les statistiques, ceci est aberrant quand on voit le nombre de personnes jeunes ou âgées qui chaque jour, meurent de faim dans l’indifférence totale. Si chacun mettait un peu du sien, c’est un problème qui serait facilement résolu.
Sur un autre plan, ma chanson «Ghetto in the Sahara» parle d’un problème contemporain qui touche certaines parties du monde mais aussi nos régions: c’est le problème de l’immigration. Certains diront que je peux me permettre de parler parce que j’ignorerai leurs réalités quotidiennes, mais j’en parle. Nos ancêtres furent déportés de force sur des bateaux vers le Nouveau Monde; aujourd’hui, ce sont leurs petits-enfants, nos enfants qui

Putumayo Festival / Kaïssa Doumbé

Putumayo Festival / Kaïssa Doumbé (Photo credit: [ºjjº])

sont rejetés de ces mêmes bateaux. Je pense qu’il faut parler des effets néfastes de ces problèmes qui se réduisent à l’économie sociale et mentale.

CTM: Kaïssa, il y a quelques mois, vous êtes retournée dans votre pays, le Cameroun, après plus de 30 années passées à l’extérieur. Y avait-il une raison à cet «exil»? Comment s’est passé l’accueil à votre retour au Mboa natal?
K: D’abord, permettez-moi de recadrer une information. J’ai quitté le Cameroun en 1977 et j’y suis revenue entretemps pour d’autres sujets. Il n’y a pas vraiment d’exil et je suis citoyenne camerounaise avec passeport à l’appui. Il y a toujours une mauvaise interprétation de l’information et ce que je voudrai clarifier ici, c’est que je me suis produite sur les scènes du monde mais je n’avais jamais eu le plaisir ou la chance de jouer dans mon propre pays, devant mes concitoyens. Ironie du sort réparée, l’opportunité s’est enfin offerte et je l’ai saisie. L’accueil a été fantastique je l’avoue. J’ai eu le plaisir après de travailler avec des musiciens locaux et malgré mon inquiétude initiale, tout s’est excellemment bien déroulé. Il y a une grande différence entre jouer avec des musiciens qui apprennent le rythme pendant deux mois et ceux qui y baignent naturellement et s’y retrouve juste après cinq jours de répétition. Pour une première au pays, je tenais absolument à ce que cela soit très bien fait et le résultat m’a immensément fait plaisir. Le Cameroun regorge de musiciens talentueux cela est reconnu, je n’ai pas eu besoin d’expliquer les paroles, le timing, tout allait de soi. C’était très émouvant d’être reconnue chez soi. C’est un sentiment spécial de chanter chez soi pour les amis d’enfance, certains que je n’avais pas revus depuis des décennies, échanger avec le public, donner un peu de bonheur, entendre le public fredonner ou reprendre votre musique. C’était la communion parfaite surtout au concert Douala où la chanson «Makala Ma Bassi» a provoqué l’hystérie totale chez le public et on n’avait pas besoin d’être Duala pour comprendre le sujet de la chanson.

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CTM: Avez-vous appréhendé cette 1ère rencontre au moment d’entrer sur la scène pour la toute première fois devant un public réputé hyper exigeant?
K: J’étais un tout petit peu anxieuse avant le concert. C’était un jour anniversaire, celui de la disparition de mon père. Je l’avais sur le coeur et tout cela provoquait une flopée de sensations très fortes.

CTM: Vos prestations terminées, avez-vous eu l’impression d’avoir laissé votre empreinte?
K: Humblement, de part les réactions de la presse, du public, les confidences, oui tout s’est bien passé et je l’ai ressenti moi aussi. Je crois que le public me l’a montré et malgré la fatigue physique, quelques soucis organisationnels, je pense que j’aurais pu faire mieux. Les interviews qui ont suivi les spectacles exprimaient pour la plupart l’engouement public que j’ai perçu. Vous avez pu constater que ma page Facebook a été inondée de messages d’encouragement, des photos et vidéos desdits concerts. C’était pour moi aussi une manière d’avoir une pensée pour ceux qui sont partis avant ce premier concert en terre natale; mes parents, mon frère ainé, ma soeur auxquels j’ai dédié certaines chansons pendant le concert et j’ai pu constater que certains dans le public ont peut-être pu s’y identifier aussi.

CTM: Certains de vos compatriotes, ne vous connaissaient jusque là qu’au travers du clip vidéo EYAYE du groupe ESA en 1987. Parlez-vous de cette relation avec ESA et son importance dans votre carrière.
K: L’amitié à la famille Dayas (frère et soeur) a été très importante dans ma vie artistique. C’’est une famille artistiquement très douée, Stéphane pour moi est l’un des meilleurs chanteurs au monde et sa soeur Medi Dayas, d’une femme d’une beauté rare, qui a une voix absolument fantastique. Stéphane Dayas m’a appelée de Paris et m’a proposé de jouer ce rôle, d’être l’objet de son affection dans «Muto Yayé» ou «la petite frimeuse». Peut-être chanterons nous encore ensemble bientôt!!!

© Cameroon Traveler Magazine

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CTM: Ce serait un vrai délice de pouvoir superposer si le projet se réalisait, de surperposer les deux clips vidéos Muto Yayé de vos débuts et un clip présent, trente années après.
K: (Rires),…… Jusqu’aujourd’hui, cette vidéo continue à m’offrir des propositions de mariage assez rocambolesques émanant d’hommes de tous âges. Par contre je n’ai jamais vu cette vidéo et j’aimerais vraiment la voir. Ceci est donc un message à mes fans, au public, j’aimerais voir et même avoir cette vidéo. Enfin j’ai vraiment bon espoir que je chanterai de nouveau avec Stéphane Dayas, c’est un grand rêve qui serait un must dans ma carrière musicale.

Putumayo Festival  / Kaïssa Doumbé

Putumayo Festival / Kaïssa Doumbé (Photo credit: [ºjjº])

CTM: Aujourd’hui revenue à New York, parlez-nous de vos projets immédiats et futurs…
K: Je me suis mise au piano et à la guitare mais je n’ai aucune formation d’instrumentiste. Depuis mon retour, j’ai écrit beaucoup de textes et puis j’avais des concerts programmés dans des écoles, mais aussi au Metropolitan, un concert à Harlem, NY, un concert au Queens Library puis au Musée de Brooklyn. En principe, je devrai rentrer au Cameroun en Mars mais je ne pense pas que cela se fasse, puis en Russie et au Brésil en Juillet. Et je pense déjà au nouvel album. Voilà ce qui m’occupe en ce moment..

CTM: Merci Kaïssa, merci de votre disponibilité, c’est toujours un plaisir de vous rencontrer.
K: Je vous en prie, c’est à moi de vous remercier ■

© Cameroon Traveler Magazine

© Cameroon Traveler Magazine

 

3 Comments on A Bâtons Rompus avec Kaïssa, la diva de la musique Africaine

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